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Revue « Le goût des choses » : amour, perte et longes de veau

Au centre de tout ce qui est bon dans le monde se trouve un noyau doux-amer : toutes choses passent. La plus grande cathédrale, le tableau le plus vibrant, une belle harmonie, un apéritif parfait – rien de tout cela ne durera éternellement. Et toutes les grandes histoires d’amour se terminent, d’une manière ou d’une autre, dans la tristesse.

Cela vous brisera le cœur si vous y réfléchissez très longtemps, avec autant de chagrin que de joie. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, c’est aussi ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Cette énigme est au cœur de « Le goût des choses », une magnifique romance culinaire du réalisateur franco-vietnamien Tran Anh Hung. Le couple qui vit l’énigme est Eugénie (Juliette Binoche), une brillante cuisinière, et le gourmand bien connu pour lequel elle travaille, Dodin Bouffant (Benoît Magimel). Nous sommes à la fin du XIXe siècle et ils vivent dans une maison idyllique dans la campagne française, où Dodin reçoit amis et visiteurs. La cuisine est le cœur battant de la maison.

Rien ne compte plus pour Eugénie et Dodin que de préparer des repas d’exception, de la simple omelette aux sortes de festins qui resteront gravés dans les mémoires toute une vie. Rien sauf peut-être l’un l’autre. Ils ne sont pas mariés, malgré les supplications de Dodin au cours des 20 dernières années. Eugénie sourit énigmatiquement et secoue la tête ; elle ne souhaite rien changer. Mais il est inévitable, en fin de compte, que l’automne arrive.

Le film a été présenté en avant-première à Cannes sous le titre « Le Pot-au-Feu », du nom de l’un de ses plats centraux, un repas rustique composé de viande bouillie et de légumes. En français, cependant, le titre est « La Passion de Dodin Bouffant », qui est également le titre du roman des années 1920 sur lequel il est vaguement basé (publié en anglais sous le titre « The Passionate Epicure »). Ce roman met en scène l’un des personnages les plus indélébiles de la fiction culinaire, un gourmand que l’auteur Marcel Rouff s’est vaguement inspiré de l’écrivain culinaire français Jean Anthelme Brillat-Savarin, né en 1755. (Oui, le fromage porte son nom.)

Brillat-Savarin est peut-être mieux connu pour son livre « La Physiologie du goût : ou Méditations sur la gastronomie transcendantale », qui vous en dit un peu plus sur lui, ainsi que sur le protagoniste du « Goût des choses ». Son livre contient des recettes, mais en réalité, c’est une rhapsodie souvent drôle d’émerveillement face à la joie que procure aux humains le simple fait de manger. Brillat-Savarin a dit en plaisantant : « Dis-moi ce que tu manges, et je te dirai ce que tu es », un aphorisme qu’il est facile d’imaginer Dodin échangeant avec ses amis autour de la table à manger. Aux yeux de ces hommes, la nourriture révèle le caractère. Pour un hôte, un repas soigneusement élaboré témoigne de son souci du client ainsi que de l’image qu’il a de lui-même : se vante-t-il ? Plaidoirie? Afficher ses insécurités ? Ou inviter les autres à goûter au divin ? La volonté d’un invité de plonger avec enthousiasme dans un repas préparé devant lui montre non seulement son souci de l’hôte, mais aussi de la générosité que la terre lui offre.

Et puis bien sûr, il y a les vrais artistes, le chef et la cuisinière. Pour eux, les arts culinaires sont la plus haute expression de l’humanité car ils sont le produit de tout ce qui fait de nous des humains : le temps et l’attention, tous les sens, toutes les sensations et, en fin de compte, c’est totalement éphémère. Chaque bon repas est un souvenir.

Les gourmands de « Le goût des choses » connaissent bien la tradition culinaire de leur époque (quelque part à la fin du 19e siècle), évoquant le chef pionnier Antonin Carême – qui est issu d’un milieu modeste pour devenir l’un des plus importants codificateurs et innovateurs de la grande cuisine de l’histoire de France – ainsi que son protégé, Auguste Escoffier. «Nous vivons avec l’héritage de Carême», dit Dodin à ses amis. « Avec Escoffier, nous rêvons d’avenir. »

Dodin, cependant, est lui-même célèbre, au point d’être surnommé le « Napoléon de la gastronomie », un surnom qu’il trouve vaguement embarrassant. L’envoyé du prince d’Eurasie arrive chez lui pour l’inviter lui et ses amis à dîner, mais à cette table ils trouvent un repas gémissant de folie tapageuse, de saveurs et de vins et de sauces et de cuisines mélangées bon gré mal gré. Pour Dodin et Eugénie, cela ne signifie pas du bon goût mais pas de goût. Aucun vrai gourmand ne préparerait un repas comme celui-là. Pour eux, le summum d’un bon repas est sa grâce, le genre de chose qu’Eugénie incarne dans sa maîtrise de la cuisine. Elle est exceptionnellement intuitive, aussi magistrale qu’un grand peintre.

Tran aurait très bien pu peindre « Le goût des choses », tant sa luminosité est si immédiatement attrayante. A un moment, il nous sert une poire parfaitement pochée, photographiée de près pour en souligner la succulence sucrée, puis se fond (un peu effrontément) dans Eugénie, disposée comme une odalisque, nue sur son lit, cadeau qu’elle fait. Binoche semble rayonner de l’intérieur, une femme parfaitement en paix avec elle-même. Dodin raconte à Eugénie que saint Augustin disait : « le bonheur, c’est continuer à désirer ce qu’on a déjà », et il la regarde avec douceur. “Mais toi”, demande-t-il, “est-ce que je t’ai déjà eu ?”

Il ne l’a pas fait. Eugénie n’est pas une femme à avoir. Elle est elle-même, choisissant avec qui et quand elle partagera, généreuse, mais, ayant maîtrisé son art, quelqu’un qui le pratique pour le plaisir. Le caractère éphémère des arts culinaires se reflète pour elle dans le passage poignant des saisons.

Comme d’autres membres du canon cinématographique de la nourriture – « Tampopo », « Eat Drink Man Woman », « Babette’s Feast », « Big Night » – « The Taste of Things » n’est pas seulement une excuse pour regarder la nourriture. Les repas préparés dans ce film signifient quelque chose : un travail d’amour, un concept de contentement, l’immense mélancolie inhérente à la réalisation de quelque chose d’une beauté exquise qui ne sera plus qu’un souvenir dans une heure.

Et pourtant ce n’est pas le cas pas à propos de la nourriture non plus. D’une manière phénoménologique, « Le goût des choses » capture la joie de la variété injectée dans la simple existence : le salé et le sucré, le piquant et l’aigre, le jus et la crème et l’astringence ne sont pas nécessaires à la pure subsistance, mais la riche gamme de goûts que nous avons créée dans nos repas quotidiens révèle quelque chose sur les désirs humains qu’il est difficile de mettre en mots. Ce mystère, comme l’amour, est difficile à analyser : même si nous savons que la perte est liée au festin, nous choisissons quand même de la savourer.

Le goût des choses
Non classé. En français, sous-titré. Durée : 2 heures 25 minutes.

Le texte ci-dessus est une traduction automatique. Source: https://www.nytimes.com/2024/02/08/movies/the-taste-of-things-review.html?rand=21388

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Tags: amour, choses, des, goût, longes, perte, revue, veau
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